Bon. Comme pour l'instant je n'ai pas d'inspiration du tout pour mes deux derniers concerts, je vais pondre une review du tout nouvel album encore chaud fumant de Suicide Commando. Puisque c’est ce avec quoi je m’abrutis en ce moment, autant que j’en abrutisse en retour les autres.
Alors déjà, attention aux ultra-hardcore fans de « Bind, Torture, Kill », cet album là est moins agressif et plus complexe.
Un petit rappel pour les feignants de wikipédia : Johan van Roy, un belge décide de bidouiller lui aussi de l'électronique en 86. C'est l'époque bénie de l'EBM classique avec FRONT 242. On est également en plein boom de la culture SF et de l’avant-gardisme avec des auteurs qui font fureur comme Burroughs ou K.DICK, et ALIENS vient d’exploser les rétines des cinéphiles.
Le premier album du monsieur sortira en 94. « Critical Stages » présente une sonorité globale plus sombre et agressive que l’EBM classique, avec des éléments purement industriels avec encore, pour celui-ci et l’album suivant « stored images », une empreinte directe de la musique concrète. Les sons sont froids, calculés, limite élémentaires. Les textes sont sommaires, dépourvus de sentiments, lisses, glacés et corrosifs comme de l’acide de batterie.
On se souvient de « see you in hell » sur lequel tout le monde a mouillé sa chemise ou s'est fait une entorse des cervicales (au choix).
Viendra ensuite « contamination » qui marque un premier tournant dans la programmation de Suicide Commando, avec un abandon pratiquement total des inspirations classiques (musique concrète). Les éléments industriels deviennent moins significatifs et c’est plutôt dans ses sonorités et ses textes simples et dépouillés que van Roy se reconnaît depuis.
Le monsieur a donc fait sacrement du chemin depuis « Stored Images »et nous a habitués à une violence et une agressivité directe et assumée dans l’ensemble de ses compositions. Grâce à lui, on a désormais des formations labellisées AGGROTECH (agressive techno quoi) comme DULCE LIQUIDO ou FEINDLFUG, qui font bouger nos petits corps de manière épileptique en soirée.
« BIND, TORTURE, KILL » (2006) était un album plutôt frénétique, à la limite de la douleur épidermique. « IMPLEMENTS OF HELL » qui vient donc de sortir, crée une coupure dans cette montée en puissance brute et glacée, qui semblait ne pas vouloir s'arrêter. Alors attention quand même; van Roy n'est pas tombé dans un excès inverse, et ne s'est pas mis à papoter de fleurs, papillons et bonbons à la guimauve sur de la Japan-Pop Fresh-style acidulée. L'album est puissant, fort et agressif à souhait, mais les compositions, les arrangements sont plus subtils. La programmation est plus fine, l’utilisation des éléments de saturation, les samples et les boucles ont une place plus complexe à l’oreille et dans les morceaux. Avec « implements of Hell », van Roy semble vouloir renouer avec ses premiers amours : On y retrouve les éléments de l’électro et de l’EBM, une empreinte new-wave largement audible et même on peut pousser jusqu’à une légère note de goth allemande. Une expression musicale plus élaborée, avec des références assumées pleinement : Kraftwerk, Front 242, Nitzer Ebb, Treponem Pal, Killing Joke, Wumpscut (Lacrimosa ou Goethes Erben aussi. Oui oui),. L’écoute s’en trouve grandement enrichie et nécessite désormais une attention pleine et entière pour apprécier tous les petits éléments qu’a brassé van Roy ensemble.
Alors que les précédents ne comportaient quasiment plus d’éléments tirés de la culture cinématographique, « implements of hell » regorge de samples, boucles empruntés à des films aussi connus que BLADE RUNNER ou THE DEVIL’S REJECTS. Van Roy renoue également avec l’industriel, surtout grâce à un saupoudrage raffiné de références. Certains des arrangements qui lui avaient donnés ses lettres de noblesse au grand panthéon de l’électro peuvent se ré-entendre sur cet album et après coup on peut se remémorer pourquoi il y a de cela 15 ans il avait tellement fait sensation.
L’album un arrière goût pré-apo ; on est limite en pleine Apocalypse. Précédemment, van Roy exprimait principalement les travers de notre humanité de manière dépersonnalisée; cet album quant à lui a une teinte plus amère que les précédents. « Cause of death : suicide » ou bien encore le fameux « save me » du début étaient plutôt impersonnels, comme si van Roy avait souhaité sciemment se positionner en observateur et non en acteur ; les paroles étaient froides, mesurées, agressives et dénuées de sentiments. Van Roy jouant surtout alors sur les sensations générées par les fréquences auditives plus que par le sens même des mots; On avait alors droit à des morceaux de choix, que n’auraient pas renié Ted Bundy ou papi Fish (celui qui aimait les enfants parce qu’ils sont goûtus). En outre, pour rajouter dans la tension qu’il cherche à créer, la saturation et le timbre de sa voix sont mixés, ce qui rajoute une inhumanité à des phrases qu’il dépouille volontairement de leur musicalité. Mais le nouveau Suicide Commando s’articule autour d’un ressenti différent. On se prend toujours notre propre décadence en pleine face, le contexte ethnologique est donc bien conservé ; mais plus moyen de rester de marbre face aux horreurs qu’il dépeint. Les paroles, les intonations et les inflexions de la voix, les sujets même expriment le jugement de l’observateur. « The Dying Breed » ou bien « The Perils Of Indifference » nous prouvent à quel point le narrateur finit par être atteint par son sujet d’études. Voilà 15 ans que Van Roy explore les recoins les plus sombres de notre société; « IMPLEMENTS OF HELL » c’est son déjeuner qu’il a finit par rendre sur les pompes cirées du public. C’est la prise de conscience de l’horreur indicible qui se cache derrière le portrait de Dorian Gray, c’est également le statut de martyre pleinement endossé, avec toutes les souffrances qui vont avec. « God is in the Rain » exprime de manière symptomatique la souffrance issue de ses constatations.
J’aurais tendance à rapprocher Van Roy de Harris pour le coup. Les deux nous exposent dans leur dernier album respectif la même conclusion : notre société va mal et, sans espoir quant à ce qui pourrait la sauver, se tournent vers les cieux et implorent l’avènement d’un châtiment divin, purificateur et apaisant.
L’un comme l’autre, chacun scrutant de son microscope un travers différent de l’objet d’étude (nous), aboutissent à la même et délicate conclusion.
Ensuite, on retrouve également le même schéma chez les deux messieurs. On nous expose une série de faits avec une minutie écœurante; Arrive ensuite à un moment le coup de coude salvateur qui tente de nous réveiller de la torpeur morbide dans laquelle l'on est plongé jusqu'alors. « The perils of Indifference » nous secoue les grelots en nous permettant de prendre du recul par rapport à ce que notre cerveau à emmagasiné. « Hate me » finit de nous botter le cul afin de ne pas retomber dans une apathie confortable. Donc, pour van Roy aussi, la résistance est en marche.
Tiens d’ailleurs, un petit truc amusant concernant Suicide Commando. Je réfléchissais (çà m’arrive parfois) récemment en me délectant des paroles de « Die Motherfucker Die », de l’imagerie et de la notion assumée de violence dans les différentes niches que je côtoie plus ou moins. Van Roy brosse le portrait musical des pires horreurs qui puissent exister depuis des années. Il va au fond des choses avec parfois une manière sadique d’exprimer les faits et d’en triturer la matière. Graphiquement, le monsieur fait plutôt bon chic bon genre, sans excès.
D'un autre côté on a des groupes dont l’imagerie extrêmement agressive est totalement volontaire. Des peintures de « guerre » pour effrayer l’ennemi, tout un bardât de trucs piquants et métalliques sur le corps, et l’expression de la nature sauvage de l’homme : les cheveux longs (ou le crâne rasé, c’est selon). En parallèle on a régulièrement droit à des paroles redondantes (« rah !!! j’vais tuer ta femme, pisser sur tes plantes et ton chien») sorties d’esprits souvent réactionnaires et qui explosent de se faire entendre (et après on se demande qui possède un utérus...).
Et c’est en fait ce paradoxe des genres qui est amusant : le métal considère que l’électro c’est de la musique dégénérée (à fiotte) et l’Electroboy considère que c’est le métalleux qui l’est (une fiotte).
A savoir maintenant où on se place dans cette histoire.
Le ridicule de la controverse est parfaitement illustrée par le « normalite » : cet abrutit de première qui frémit à la vue du bouc de Mendès ou du pentagramme de Lavey, qui sort les pieux et les ciseaux à la vue de la moindre mèche longue qui excite une sexualité par souvent refoulée, mais qui serre tous les jours la main de son collègue de boulot ; Celui-là même avec lequel il aura passé son dernier séjour d’incentive en Malaisie entouré de jeunes garçons pré-pubères, tout frais payés par un patron qui aime se faire poudrer les fesses et se laisser aller dans des couchers trop grandes pour lui.
Wednesday nous le dit parfaitement dans « the Addams family » avec Anjelica Huston : « I'm a homicidal maniac, they look just like everyone else. ». C'est le monstre moderne, celui qui aura su se fondre en camouflage dans l’écosystème de sa proie afin de l’approcher sans éveiller ses soupçons.
Courant des années 80's, le cinéma a délaissé peu à peu les monstres traditionnels pour s'attarder sur un type d'horreur plus moderne, en soit plus proche du public. Le sujet s'avère aujourd'hui inépuisable puisque l'épouvante et le dégoût peuvent être aussi bien générés par un tueur psychotique qui porte un costume à 5 plaques (AMERICAN PSYCHO, tiré du roman du même nom), que par l'horreur de la famille (MUM & DAD) ou bien encore par la monstration d'une violence contemporaine tacitement admise (EDEN LAKE). L'horreur y est alors totalement dépouillée d'éléments fantastiques. C'est la vraisemblance et la capacité d'apparenter les éléments dépeints avec son propre vécu qui engendrent désormais les réactions du public.
Van Roy se situe dons parfaitement dans son époque selon ce critère. Son « Hellraiser » ou bien encore « Severed Head » en sont des exemples parfaits.
SUICIDE COMMANDO s'imprime donc parfaitement dans ce que l'on peut appeler les musiques actuelles, avec une capacité sans cesse renouvelée de faire du bon. C'est paradoxal d'ailleurs, parce que, il faut quand même bien l'admettre, le son SUICIDE COMMANDO se reconnaît illico. Et pourtant, Van Roy réussit à chaque fois à nous dégotter des petits trucs nouveaux, ou nous ressortir au contraire des vieilleries sans que pour cela il en perde sa superbe et son panache.
Bon.
Tout çà pour dire au final que le Dernier album de SUICIDE COMMANDO et bah, il est vachement bien.
On retrouve notre quota de psychopathes, de violences quotidiennes et de grandes claques auditives. La conception des morceaux est toujours aussi brillante et se trouve même enrichie de sa petite moisson culturelle.
Ensuite, serait-ce parce que même le temps fait son effet sur Van Roy, ou bien parce que l'hypothèse Schumann approche à grands pas, « Implements of Hell » est un album qui semble marquer une pause dans le forage macabre toujours plus profond auquel il nous a habitués. On déballe tout sur la table, et on fait le compte de ce que l'on a excavé par rapport au matériel qui a été perdu au cours de la tâche. Van Roy réussit par ce biais à exprimer un avis parfois personnel, sans pour autant tomber dans un sentimentalisme mièvre et déplacé.
Au final, le pari de faire un meilleur album que le précédent est une fois de plus remporté haut la main. J'attends donc maintenant avec une impatience non dissimulée de pouvoir voir le belge blondinet sur scène, cracher ses imprécations dans son micro et pourquoi pas, vomir son dernier frittes-moules sur un public d'écorchés vifs.
Une petite note rapide sur le second CD qui accompagne l'album dans sa forme limitée. Des remix de qualité en veux-tu en voilà, vraiment que du bon. Le « hate me » ultra-pop de Leaether Strip est décadent à souhait, le « Severed Head » de Komor Kommando nous rappelle avec délectations le « Army of me » de Bjork. L'investissement de ce second CD vaut largement son pesant de cacahuètes, les intervenants ont su très correctement relever le défi de faire quelque chose de différent du morceau original, tout en sachant lui conserver son essence spécifique.
La spécial box-set est déjà épuisée (ajoutée au catalogue le 17 décembre 2009); dommage donc de ne pas l'avoir prise sur le site de SUICIDE COMMANDO en précommande. On devra désormais se résigner à attendre le merchandising des futurs concerts.
30 janvier, 2010
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je souhaitais illustrer "Army of me" avec le vidéo clip du même nom. Mais, comme Universal a décidé de faire chier son monde une fois de plus, on s'en passera.
RépondreSupprimerCeux qui connaissent sauront de quoi je parle, les autres, tant pis.