De temps à autre, mon entourage me fait découvrir des ovnis qui sont des centaines d'années lumière de ce que j'écoute normalement. PROGRAMME en fait partie. J'avoue écouter assez peu PROGRAMME parce que j'ai toujours trouvé que, même si musicalement c'est plutôt intéressant, les textes auraient tendance à me faire vouloir m'ouvrir les veines. Cependant, je suis curieuse et je dirais assez ouverte malgré tout. Donc, étant donné que les concerts de la formation sont relativement rares, je me suis laissée entrainer à aller les voir à la DYNAMO.
La DYNAMO est une salle particulièrement agréable. Déjà, lorsque l'on arrive sur le site, on peut voir que l'argent du contribuable a été très bien utilisé. Le complexe est aéré, le grand hall est vaste et l'on peut même s'y restaurer. La salle même a été construite à l'extérieur du bâtiment, et c'est un patio aux allures de jardin zen qui l'entoure. Un fait à noter parce que c'est assez rare, lorsque l'on commande une bière, on a droit à une bouteille en verre et pas à un gobelet plastique. L'ensemble est propre, bien tenu et pas encore décrépi, tagué ou salopé. Le public que l'on va croiser à attendre le début de la performance est relativement trendy et la moyenne d'âge est élevée (des plus de 20 ans même si l'on peut croiser çà et là des petites têtes blondes lâchées par leurs parents). On y sent l'intellectuel fatigué, une certaine forme d'élitisme cérébral et mais surtout aucune tension ni de stress. L'atmosphère est détendue, dans un ensemble collégial sain. La salle en elle-même est plutôt exceptionnelle. Une acoustique spécialement conçue pour des performances de jazz, l'agencement en gradins permet à tout le monde de pouvoir assister dans d'excellentes conditions à la performance. Les sièges ne sont cependant pas très confortables et l'on a rapidement mal au dos. Qu'importe puisque le concert de ce soir ne va durer toute la nuit de toute façon. Pas de première partie, la performance de PROGRAMME fait partie du festival de jazz de BANLIEU BLEUE.
La formation du duo est sommaire; Damien Bétous s'occupe des arrangements musicaux (guitare et programmation) et Arnaud Michniak s'occupe d'écrire les textes et de les exprimer. Je ne dis pas en cela qu'il les chante parce qu’il n'y a pas de chant en fait. La manière dont il récite les textes s'apparente plus à du Slam, mais PROGRAMME produit ses compositions dans un style largement plus encadré; il n'y a pas de joute verbale et les textes sont accompagnés d'arrangements musicaux bien définis. Ensuite, le premier album date de 2000 alors que celui de GRAND CORPS MALADE ne date lui que de 2006 (et oui je connais aussi...). Ensuite, ce qui se rapproche le plus de ce que fait Arnaud MICHNIAK, surtout dans l'idée de ses textes, ce serait le concept du personnage de DREAM dans Southland Tales je dirais. Les sujets développés par Michniak se rapportent tous plus ou moins à l'idée de la génération perdue, les mensonges sociaux, les illusions perdues, que des textes à neurasthénique tendances psychotiques (parce qu'il lui arrive de gueuler un peu).
Bon. Passons maintenant à la performance. Une fois bien installé, il va falloir attendre un petit peu parce que les artistes seront arrivés en retard. Lorsqu'ils entrent en scène, chacun va se mettre à un bout, et, après quelques réglages de circonstances, entament le début du show. C'est Damien qui, pourrait-on dire, débute les hostilités avec un mélange de tessitures hyper-saturées, façons BDN ou MZ412 dans leurs moments les plus trippants. On ressent beaucoup de tension et de stress provenant de la part des deux performeurs; la salle est particulièrement calme et silencieuse. Puis Arnaud attrape le micro et commence à scander les paroles du dernier album. On retrouve bien évidemment le phrasé ainsi que l'idée générale des précédents, mais la sémantique a un peu évoluée et le déroulement des pièces s'avère être un peu plus dynamique. Le langage corporel des deux protagonistes est assez intéressant à observer. Michniak à une gestuelle qui le rapproche du public; relativement statique en général, il évolue avec souplesse et lenteur, s'attache parfois à regarder le public dans le blanc de l'œil, s'offrant parfois le luxe de monter sur l'un des piédestaux, ce qui lui confère alors l'expression d'un oiseau acculé et affamé. Le phrasé est assuré, tantôt calme et décidé, tantôt déchirant et douloureux comme une lame de rasoir émoussée sur le poignet. Bétous quant à lui s'affère sur sa console ou sur sa guitare. Le personnage, qui connait par cœur la partie de son acolyte, semble être en transe pendant toute la durée de la performance. Il s'avère plus mobile, retenant parfois l'expression de son agressivité, le corps tendu. Musicalement et visuellement, la performance est étonnante. Au premier abord, chacun des deux partis semble évoluer indépendamment l'un de l'autre; çà ressemble assez au style du free jazz, qui donne cette impression de désordre chaotique, dans lequel au final, rien n'est laissé au hasard. Textes et musiques se croisent, s'interpénètrent et s'accompagnent dans un ensemble cohérent et équilibré. Les deux musiciens s'avèrent, dans le concept de PROGRAMME parfaitement complémentaires, élaborant dans leurs mouvements et leur interprétation une sorte de fusion improbable et pourtant indéniablement visible. Chacun garde un œil sur son pendant, conscient que la performance est une passion nécessaire à l'existence du concept. Dans les arrangements musicaux produits par Bétous, on retrouve un peu l'empreinte de la cold-wave, mais également celle du punk ou bien encore de l'industriel, fait indéniable au demeurant. Michniak, par l'utilisation de sa voix, se rapproche plus lui de formations à connotation néo-classiques, post-goth ou encore hip-hop (mais la référence est assez facile dans ce cas-là). Le rapprochement des deux électrons libres nous offre donc un panel culturel pour le moins riche et surtout surprenant. La performance est intense, le public tendu, les slips prêts à craquer et à peu prêt tout le monde retient sa respiration. Au final, on aura droit à un rappel durant laquelle PROGRAMME nous interprètera d'une manière plus péchue d'un des morceaux précédemment joué. La salle s'avère conquise, l'auditoire est satisfait d'avoir fait le déplacement et il semble même que les performeurs le soient également.
La conclusion est très positive pour ce concert totalement en adéquation de mes goûts habituels. Ca reste toujours intéressant de se tenir au courant de ce que la scène musicale produit, et PROGRAMME a déjà établi sa petite notoriété auprès du public. Ensuite, les gens qui ont fait le déplacement pour les voir en live ce soir auront fait partie des privilégiés puisque le prochain album « Agent Réel » n'est censé sortir que le 10 mai. Hors, nous avons eu ce soir un aperçu de ce à quoi il faudra s'attendre prochainement. Nul doute que, tout en restant plutôt discret parce que je projet se veut quand même en marge du reste, que l'information saura se répandre comme une trainée de poudre. Par contre, je ne peux qu'insister sur un point : PROGRAMME c'est bien, mais il faudra s'habituer à le consommer avec modération.
24 mai, 2010
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