J'avais, il est vrai, déjà vu chacun des groupes qui se sont produits ce soir. Cependant, les choses étant ce qu'elles sont, c'est à dire soumises à la versatilité de la vie, le show présenté s'est avéré totalement différent de la première performance de chacun à laquelle j'avais pu assister.
Pour cette soirée pour le moins exceptionnelle au titre de l'affiche, il aura fallu user d'un peu plus de patience puisque se rendre à Savigny le Temple pour assister au concert. Trois quart d'heure de ReR depuis Chatelet, pas forcément folichon dans l'idée mais un trajet qui passe relativement vite lorsqu'on l'effectue en bonne compagnie.
Le concert débute à 20 heures, mais les portes s'ouvrent dès 19H30 pour laisser entrer un public curieux et auquel on propose une camionnette de merchandising.
L'empreinte est un bel endroit. Je dirais volontiers que son seul vrai défaut, c'est de ne pas être sur Paris même. Le ReR s'arrête devant la salle, l'endroit est calme, c'est propre et le complexe est bien agencé. La salle est bien foutue, mais il est possible également de se restaurer sur place. Le personnel, ainsi que la sécurité sont très agréables, ce qui nous change sacrément de certaines salle où c'est loin d'être le cas.
Question salle spécialement dite d'ailleurs, j'avance sans hésitation que c'est certainement la plus belle qu'il m'ait été donné l'occasion de voir pour l'instant. L’acoustique est très bonne et les jeux de lumière sont vraiment efficaces.
Le concert de ce soir n'est pas plein, mais le public présent est dévoué à la performance qui s'avance.
La première partie est assurée par AOSOTH. Un excellent tremplin pour ces petits gars d'avoir l'opportunité de tourner avec Shining et Watain.
L'an dernier, j'avais assisté à leur concert au Glaz'art et la performance, bien qu'elle fut intéressante, m'avait un peu laissé sur ma faim. Le son était particulièrement dégueulasse, et la scène était vraiment trop petite. A l'empreinte, le set prend toute son ampleur. On joue sur la corde du Black Metal traditionnel, avec cet habituel continum façon DCA. La dichotomie rythmique est très bien utilisée chez AOSOTH ; Les mélodies sont relativement lentes (l'on est quand même pas dans le Doom ou le Black Metal Ambient), ce qui permet de doubler en soutient les percussions. On perçois le phénomène cyclothymique des phrases musicales, mais l'ensemble est entrecoupé de développements, qui brisent la monotonie du mouvement. Quelques fugaces passages un tantinet plus lyriques, sans pour autant s'éloigner de l'empreinte même du style. On retrouve ce soir le souffle des albums, avec en plus, cette dynamique lourde et pesante qui rend justice au Black Metal des origines. Le mixage est sale, mais de cette teinte qui sent parfaitement les 3 heures de réfléxion, juste pour choisir son micro. Le ton général à un arrière goût de dérision ; Non pas qu'AOSOTH soit dérisoire, mais les accords et les tons utilisés sentent bons le « non brisere capitem » ou alors le tout simple « pas faire chier ! ».
Visuellement, même si les musiciens restent impassibles (en ce sens ils illustrent parfaitement les 101 règles du Black Metal), MKM est un personnage intéressant à observer. Jamais du set il ne sera possible de voir son visage, qu'il cache de ses cheveux (ils sont longsétonnant n'est-il pas?) , le micro disparaissant dans la masse. C'est sa gestuelle, plutôt discrète, qui s'avère le plus fascinant. Il joue en permanence avec le fil du dit micro, l'enroulant autours du bras, de ses doigts, tendant celui-là comme une corde, quitte à en imposer la rigueur avec le pied. Il passe pratiquement tout le set de profil également ; Quasiment jamais dressé de sa hauteur, il arbore une position presque souffrante, dans une forme d'imploration que l'on pourrait qualifier de divine. Le tableau fait indubitablement surgir en mémoire de ceux qui en ont le savoir le « elohim ! Elohim ! lama sabactani ». Le parallèle est d'ailleurs assez amusant s'il l'on met en balance le champ sémantique général utilisé par AOSOTH pour la composition de ses textes. Le pieux adopte inexorablement la même attitude envers son adoration ; tout n'est ensuite qu'une question de point de vue.
MKM n'est pas très communicatif avec le public. Sans pour autant parler d'état second (illustré plus tard dans la soirée), il fait défiler les compositions dans une réserve et un mutisme sans concessions.
Après avoir digéré ce, ma foi, très bon set, j'en viens à comparer le Black Metal d'AOSOTH avec une musique que l'on pourrait présenter aux antipodes. En effet, l'effet éthéré que donne l'écoute ou le visuel me rappelle beaucoup l’œuvre d'Olivier MESSIAEN. Si l'on met de côté les aspirations religieuses de chacun des protagonistes, on retrouve cette impression oscillante de détachement matériel qui s'alterne et se juxtapose avec les prises de consciences des turpitudes terrestres. Dans un cas comme dans l'autre, la musique tend à s'élever (ou s'enfouir on pourrait dire) vers quelque chose de plus grand et de plus profond, cependant bridé par l'empreinte terrestre du vivant imparfait. Les uns comme les autres reconnaissent l'image divine dans la chair ; l'un la glorifie et l'autre la rejette. La fracture entre les genres s'arrête là, puisque au final, débarrassé des contraintes intellectuelles et sociales, on retrouve cette empreinte de la dématérialisation dans leur musique.
Le staff fait un excellent boulot ce soir. Le temps de pause entre les deux groupes est assez court, il faudra se dépêcher de boire sa bière, dans un espace aux quatre vents, où l'on s'est un peu gelé les miches quand même. L'alcool joue le rôle de vasodilatateur ainsi que d'euphorisant certes, mais il ne faut quand même pas demander des miracles, surtout à un peuple déchu.
SHINING enchaîne donc derrière AOSOTH pour la seconde partie de la soirée. Le son est largement différent de ce que j'avais vu également. Bien il va sans dire, mais çà va mieux en le disant. Là encore, l'espace réservé aux artistes sur la scène de l'Empreinte permet un meilleur développement de la performance. Même dans leur cas on respire.
Musicalement parlant, pour SHINING, je ne saurais quoi trop dire en fait. C'est carré, bien monté, la performance est efficace et bonne. Ensuite, je reste toujours partagée quant à mon appréciation de leur discographie. Je préfère toujours, même en live, ce qui a été produit à partir de « The Eerie Cold », avec un coup de cœur personnel pour celui-ci d'ailleurs. Le groupe, depuis sa formation a beaucoup évolué musicalement et, malgré les qualités indéniables de toute la production, le set, tout comme en octobre, offre une cohésion générale un peu approximative. L'ensemble de la discographie est passée en revue, ce qui fait une grosse partie de l'intérêt du groupe sur scène.
Bon par contre, l'ensemble est assez redondant ; et j'ai toujours beaucoup de mal avec le côté « impérialiste » qu'affichent les musiciens.
Pour revenir sur les jeux de lumière de la salle, dans le cas de SHINING, l'esthétique prend tout son sens. Jouant, justement, sur l'ensemble de la palette colorée, c'est surtout dans les bleus que le rendu est le plus agréable et le plus efficace. L'image de Niklas auréolé de cette longueur d'onde, Christ apocryphe, offert au public au milieu de la scène, est une image fort impressionnante. Le tableau s'offre à mes yeux comme l'illustration ultra-romantique de l'engagement et de l'implication du personnage dans son art.
Niklas est assez bel homme au demeurant, ce qui ne gâche rien. Malgré la violence sociale qu'il tache de dégager, il possède cette apparente douceur, qui le rend foncièrement attachant.
Des grandes performances décadentes cependant il ne reste plus grand chose. Le côté beuverie est toujours là, puisqu'il passe toujours le set entre la dive bouteille de Jack Daniel's et une quelconque bouteille de vin rouge (trop loin pour en voir l'étiquette). Se fichant des arrêtés, il fume toujours sur scène mais, plus du tout de scarifications ni de brulures. Le show fait désormais la part belle à la sensibilité générale, muée par les compositions et l'extrême sensualité que dégage Niklas.
Un point négatif cependant concernant la performance du soir : rien de particulièrement nouveau par rapport à la performance d'Octobre dernier. Le show, malgré une acoustique bien supérieure ainsi qu'un espace bien plus efficaces, n'offre rien de différent. L'effet redite est un peu ennuyeux. Les fans cependant vont en prendre pleins les oreilles et les yeux et je pense que, fondamentalement, le set, copieux, valait bien le déplacement.
Mais le gros morceau de la soirée arrive désormais.
Les préparatifs sont plus longs lorsqu’il s'agit de WATAIN. Le déballage de candélabres, la disposition des braseros et autres accessoires cérémonieux nécessitent un peu de patience de la part du public. Mais qu'importe, puisque la bière n'est pas chère. On aura donc le temps de s'en jeter un ou deux petits (de plus), voir même de grignoter un morceau pour certains.
Ma précédente expérience « sensorielle », concernant WATAIN m'avait enthousiasmée, même si elle s'était avérée quelque peu légère. L'empreinte n'a pas fait dans la retenue ce soir puisque nulle odeur d'encens ne couvre les attaques putrides qui étaient également prévues au Nouveau Casino. L'air devient rapidement nauséabond et je conçois mieux désormais pourquoi certains ne se sentent pas de soutenir le show en entier. Comme j'aime à dire (non sans humour), être un animal qui saigne une semaine par mois sans mourir, confère certaines dispositions naturelles à une pareille agression olfactive. Les abatis qui trônent outrageusement sur la scène ne sont même plus assimilables à de la chair, symboles d'une pantomime blasphématoire et accessoirement mortifère.
J'avais précédemment été frappée de l'aspect plus religieux que théâtral du show qu'il m'avait été donné d'assister. La réputation de WATAIN l'a plus que grandement précédé cette fois encore puisque, avant même que le set en lui-même ne commence, l'on pouvait ressentir autours de soi ce sentiment, aux limites du palpable, de chaos primordial. Je m'étonnerai d'ailleurs toujours (si d'aventure il sera encore possible d'assister à de futurs concerts) de ne voir personne tomber en catatonie ou bien se mettre à courir autours de la salle en jappant (du moment que l'on ne me pisse pas sur la jambe, c'est tout ce que je demande).
La cérémonie va s'ouvrir comme pour le concert d'Octobre. Les musiciens entrent en scène, puis vient Erik.
HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHa Erik Danielsson... Je pensais initialement être sacrément dérangée de lui avoir trouvé un Sex-Appeal violemment Erotiques ; mais en fait pas du tout. Non seulement « l'homme crevette » fait beaucoup d'effet dans le pantalon des cougars et autres White Fox, mais il en fait aussi dans les culottes Petit Bateau. Collés sensuellement contre le devant de la scène, il n'y avait au final que bien peu de poil au menton. N'en déplaise aux Heraults de la musique ultra-testostéronée, hermétique au double X, Erik Danielsson, si les femmes assistent à ses concerts, ce n'est pas QUE pour la musique de WATAIN.
Le show va s’avérer par contre bien meilleurs que celui passé. L'espace scénique permet une plus grande liberté pour les musiciens et pour le chanteur, une plus grande capacité également de réaliser la liturgie associée (je fais redite ; mais c'est normal, j'insiste). La set list est également plus agressive, et l'on aura même droit cette fois-ci à un petit rappel (ce qui aura je pense réconcilier pas mal de monde avec le groupe, considéré à tort, comme un peu chauvin). Je ne développe pas plus sur le son, puisqu'il est entendu qu'il est bien meilleur à l'Empreinte que dans les salles parisiennes. J'éprouve toujours autant de jouissance à entendre et reprendre de concert le « we fuck the world and sodomise » de « Reaping Death » ; entre autre...
L'entité WATAIN a bien évoluée depuis ces 5 derniers mois ; le bébé a bien grandi et bien grossi. Que l'on s'entende sur ce point. Le groupe et ses compositions restent ce qu'elles sont, même si les musiciens ont pris en assurance. Mais c'est du côté du spirituel qu'il faut regarder. « L'entité » n'a désormais plus besoin d'être initialisée, kick-startée même ; elle est présente dès le début du concert. Le monstre est désormais bien vivant, gavée de toutes les cérémonies passées que WATAIN a présentés durant ces derniers mois. On peut ne pas se trouver sensible à ce qu'il y a de l'autre côté du miroir, mais personne ne pourra, je pense, renier que la sensation de menace pesait grandement plus ce soir que par le passé. L'expérience sensorielle plus marquée, ne fait que renforcer cette impression et pourquoi pas la gène qu'elle peut faire naître chez certains. L'ensemble est ostensiblement voulu traumatisant, à cheval entre notre réalité et un ailleurs pas forcément très clairement établi.
Ce qui m'amène maintenant à exprimer les mauvais points de tout le pataquès.
Que l'art serve, en quelques sortes, des desseins plus grands, je n'y vois aucune objections. Mais, déjà la distance relative entre WATAIN et son public se creuse de plus en plus ; du sensationnel extra-ordinaire de leurs shows, ils arborent désormais un hermétisme aux limites du méprisant pour ceux qui les soutiennent et les suivent. Il semble que le cérémoniel ne serve plus qu'à contenter les « élus » auto-proclamés, faisant fi de toute considération sociale (on ne parlera pas de morale puisque leurs croyances s'en revendiquent totalement dénuée). Alors que précédemment, il y avait encore un semblant de communion « eucharistique » entre les exécutants et les adeptes, la réalisation actuelle n'offre plus aucun échange.
WATAIN agit en entité vampirique, absorbant non seulement l'Essence mais aussi l'énergie des participants malgré eux. Le monstre se gave sans compensation ni grattitude. De prophètes, ils en deviennent les inquisiteurs zélotes.
Ma plus grande affliction revient cependant à Erik; Non seulement il s'avère à présent totalement intangible, mais sa dévotion, qui va au-delà de la musique, l'entraine désormais à des comportements scéniques dépourvus de tout rationalisme. On oublie les falbalas nécro-religieux habituels, allégations à la tête de bouc, car désormais il psalmodie et incante pour lui seul entre chaque morceau.
L'intérêt majeur que j'avais ressenti précédemment dans leur concert était de pouvoir ressentir l'énergie qu'un Amour du divin tel qu'il possède, était capable de générer. De la Liche, creuset humain qu'il était auparavant, il ne reste désormais plus grand chose, consumé jusqu'à l'âme par ce qu'il chérit. J'avais la crainte de ce qui m'est apparu ce soir. Danielsson n'a pas la capacité du Phenix ; il se consume à son propre feu, martyr solitaire à un Amour surannée.
A la différence de ce qu'il assume fondamentalement, il n'est nul question de faire du prosélytisme; et je me fiche foncièrement que l'on adore un oignon, une entité tricéphale ou bien une image romanesque, contre courant du bien penser. Mais être le spectateur, et même dans le cas de WATAIN être acteur, d'un tel gâchis me déchire le Cœur. La connaissance est un fardeau ...
La salle entière est en délire, même si beaucoup de gens semblent se trouver très incommodés. Sans pour autant avoir droit à notre plein seau de sang mort, un rapide passage dans les coulisses d'Erik pour se « refaire une beauté » nous permet, au premier rang, de nous retrouver corrompu(e)s de milles gouttes écarlates. Le retours en ReR aura été, tranquille...
La conclusion musicale du set aura donc été excellente. Les musiciens auront semble-t-il pris de leur côté autant de plaisir que le public, même si leu jeu de scène empêche tout débordement de leur part. Cependant, voir Erik lâcher son trépied pour venir chanter au dessus de la fosse, dans l'idée de révélation de grands secrets hermétiques, est une scène touchante. Petit moment d'éternité suspendu dans les airs, empli d'une tendresse paternelle timide qui m'a touchée en plein cœur.
Une excellente soirée pour la totalité de l'évènement. Qu'il s'agisse du voyage, des performances de chacun des très groupes ou bien de l'impression générale de cette soirée. L'Empreinte est une salle qui tient la dragée haute au reste de la scène parisienne, non seulement de la qualité de l'endroit mais aussi de par la qualité de son personnel.
Malgré un affiche pour laquelle on aurait pu arguer sur le manque de logique, il s'est avéré que le triptyque proposé par GARMONBOZIA était en fait extrêmement efficace. Certes, trois sons totalement différents mais qui permirent de ne pas s'ennuyer au bout de quelques temps.
La demi-teinte revient cependant à WATAIN dont l'évolution, bien que brillante, ne peut plus vraiment se prévaloir du terme d' « entertainment », surtout au regard du prix chèrement demandé à Erik.
Mes personnelles félicitations à AOSOTH pour avoir su s'imposer face à deux « grands » de cette « petite » scène et surtout un grand (et je ne l'espère vraiment pas) ultime merci à Erik pour son acharnement et sa persévérance à atteindre l'infini. L'immortalité n'appartient pas aux dieux ; c'est la fusion des esprits qui se tournent vers la même étoile qui font perdurer sa lumière à travers les ages, même si celle-ci a cessée de se consumer depuis longtemps. WATAIN est une étoile filante dans le ciel saumâtre de nos vies capitonnées ; j'espère vraiment que l'éblouissement qu'aura procuré leur lumière puisse persister pendant longtemps sur la rétine de ceux qui ont renoncé à vouloir voir.J'avais, il est vrai, déjà vu chacun des groupes qui se sont produits ce soir. Cependant, les choses étant ce qu'elles sont, c'est à dire soumises à la versatilité de la vie, le show présenté s'est avéré totalement différent de la première performance de chacun à laquelle j'avais pu assister.
P
28 mars, 2011
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