La soirée du 14 aura été plutôt atypique. Deux soirées, deux concerts, que choisir, telle était la question. Finalement j'aurai décidé de me la jouer décadente, puisque à défaut de pouvoir en sacrifier un, j'ai fini par faire un peu des deux. Et puis merde ! Etant à Paris, autant en profiter non?
Donc, en première partie de soirée, nous voilà parties pour le « Chiquito »; un p'tit bar du 20éme. La soirée est proposée par le label AMORTOUT, celui-là même qui nous a permis de voir (enfin !) Der Blutharsch en concert peu de temps auparavant. La programmation nous annonce le passage de trois groupes plutôt noise, au final nous n'assisterons qu'à la première performance pour filer ensuite à l'anglaise.
Bon. Déjà on arrive en retard. Les artistes étant ce qu'ils sont, le set n'aura pas encore commencé. C'est d'ailleurs toujours aussi amusant d'être le dernier à arriver. Mais là n'est pas le centre du sujet.
Le Chiquito est un petit bar plutôt traditionnel je dirais. Un troquet comme il y en a tant d'autres sur la ville. Un vieux billard dans un coin, des canapés en ski élimé, des photos de stars oubliées accrochés aux murs jaunis et des piliers de comptoirs pas vraiment loin des clichés. L'avantage de cet endroit, c'est sa cave insonorisée; c'est tout petit, bas de plafond, mais on n'a pas un son à priori à en sortir.
Ensuite, attention aux vêtements longs et aux talons hauts, parce que c'est un escalier de meunier qui mène au sous-sol.
On a à peine le temps de prendre un Perrier-tranche hors de prix que nous voilà à tenter de descendre dans les tréfonds de la terre pour aller assister à on ne sait quoi encore.
Les premières notes se font entendre, nous voilà dans la place. Mais quelle place en fait ? Puisque du set on ne verra rien du tout. La petite pièce à plafond bas était tellement emplie de fumée qu'on n'y voyait pas à 1 mètre. Juste assez cependant pour se rendre compte que l'on était moins de … 8 à assister au concert. Enfin non; je suis mauvaise langue. De Shantidas, j'aurai vu le T-shirt à équaliseur bleu pulser énergiquement pendant toute la durée du morceau. C'est bien de donner des repères comme çà au public; çà évite la possibilité que les gens s’imaginent qu’il s’agisse juste d’une bande qui tourne pendant que le type se boit une bière bien calé au fond.
Quelle que soit la musique ou bien la performance, je trouverai çà toujours aussi déprimant de me rendre compte que le public, pourtant susceptible de suivre la mouvance ou d'écouter ce style, soit tellement ingrat. Un art, un artiste ne vit que par ceux qui lui accordent une certaine forme de dévotion en se déplaçant pour le soutenir et faire montre de l'intérêt que l'artiste a à continuer de produire, écrire ou tout simplement créer. Je ne m'attendais pas réellement à du mirobolant en ce qui concerne le programme annoncé pour la soirée mais, sans des labels ou d'autres initiatives comme celles d'AMORTOUT, c'est tout un pan des sous-cultures (parfois très très alternatives) qui serait amené à disparaître faute de diffusion et de distribution de l'information. C'est donc en toute connaissance de cause que je suis venue écouter, plus que regarder, Shantidas ce soir au Chiquito.
Shantidas définit sa création musicale comme de la « Sympho-Noise». Le set est initialement intitulé « Shantidas Vs Jean-Michelle Jarre ». Donc, dans un brouillard digne de celui qui a vu la naissance d'Hawkmoon (sauf qu'il n'est pas vert), Shantidas commence par les premières mesures d'Oxygène de J.M.J. Très rapidement, le style plutôt pouêt du compositeur est remplacé par une nappe de tessiture plutôt légère pour de la noise. Une base assez haute, avec une boucle assez longue. La nappe en question est très peu pulsative et c'est plutôt sympa. Le set est manié tranquillement, sans hâte, avec beaucoup d'attention au timing dans le jeu des distorsions. Par contre, vu la taille de la salle en question, les larsens s'en sont retrouvés physiquement douloureux. Sinon, une bonne moitié de set uniforme dans les pistes musicales et la programmation recherchées, et une seconde partie plus « dynamique ». Entre parenthèses hein, parce que du rythme, y'en a pas du tout. Ce que fait Shantidas, c'est plutôt de l'arythmie absolue. Seuls les effets de distorsions et le lancement des nappes pourraient justifier d'une rythmie globale. L'ensemble de la pièce musicale est à l'image de la première nappe; Sans pulsation, sans vrombissement, sans vibration réelle et entendue. Bah çà change et c'est instructif. Le son est suffisamment fort et les nappes bien amenées pour que l'on ait quand même la vibration physique qui va de pair. Parce que l'un des intérêts majeurs de ce style musical, c'est quand même de la ressentir dans ses parties molles bleubleutant lascivement. Et question ressenti, Shantidas est sacrément généreux pour le coup; j'ai bien cru que j'allais rendre mon quatre-heure. Pourtant Dieu m'est témoin que j'adore avoir les jambes en l'air, cul par dessus tête et sentir les gros vérins des machineries de fêtes foraines m'envoyer en l'air. Mais dans le cas du set, heu, çà pétille à l'intérieur, et çà bouillonne dans l'estomac. D'où l'intérêt des musiques expérimentales, avant-gardistes, industrielle et a-musiques : on se sent vivant ! Ensuite pour se sentir vivant, y'a aussi le rhum, les femmes et la bière... (Heu non, çà c'est autre chose. Désolée.)
Le set a donc été bon. Musicalement (enfin, a-musicalement) c'est intéressant, et même plutôt frais, même si j'y ai pris un coup de chaud. Shantidas utilise les sons avec mesure et originalité, même s'il est parfois obligé de se soumettre aux traditionnelles distorsions qui font saigner les tympans. Il ne sera pas retenu dans les anales comme étant le Mozart de la noise, mais on trouve dans sa composition une attention au détail, beaucoup de tranquillité et une certaine tendresse de son travail qu'il faut noter au passage. Ensuite, pour tous ceux qui sont trop frileux ou feignants, moi au moins j'y étais. Je ne suis peut-être pas restée, parce que çà m'a déprimé de voir aussi peu de monde ainsi que pour des raisons qui m'étaient propres, mais au moins, j'aurai contribué un tout petit peu à soutenir la scène (très très) alternative de Paris.
Ensuite, parce que le rimmel qui coule c'est moche, nous voilà parties pour un autre concert, où là j'avais l'assurance qu'il y ait au moins plus de 8 personnes. Après avoir traversées la moitié de la ville, nous voilà à porte de la Villette.
J'adore Paris, ville des lumières entre toutes, et pas pour les raisons qu'on pourrait croire. Mais décidément, cette ville dispose en son sein de quartiers où la seule chose qu'on ait envie d'y faire c'est de chercher la Seine pour s'y jeter.
Enfin bon. Après quelques hésitations, nous nous dirigeons vers la « salle communale » qui semble vouloir porter le nom de Glaz'art. C'est assez surprenant quand on n'en a pas l'habitude de rentrer à fort knox : ouverture de sac, sous-pesage de sac (désolée, le mien il pèse déjà 1,2kg à vide. Alors à plein, pfffffffffffff...), zieutage, toussah. Ensuite, la douloureuse : 70 Euros à deux pour assister à TRISOMIE 21. Le Glaz'art, ils se mouchent pas du bout du pied je trouve. 35 Euros pour quatre groupes, alors que VnV NATION m'avait coûté 24 Euros, là je grince un peu des dents.
Lorsque nous arrivons, T21 vient tout juste de commencer son set. On aura manqué les deux premières performances, mais qu'importe puisqu'on est là pour passer une bonne soirée, et voir le concert d'adieu du dit groupe.
Déjà, il y a là, largement plus que 8 personnes; Le public est plutôt vieux pour les canons standards, plus vieux même que pour FRONT 242, puisque pas une seule tête en dessous de 25 ans (à vue de nez). On sent le Goth qui a connu T21; il a laissé tombé le maquillage au bouchon, les clous, mais a gardé de l'esthétique, le cuir, les winklepickers ou la redingote. Etrangement, on se sent un peu chez soi. Aucune notion de voyeurisme, ni d'exhibitionnisme d'ailleurs, les gens sont là parce que c'est T21, ils savent qu'ils ont vieilli et sont venus voir ce qu'ils aiment. C'est à dire un vieux groupe, de vieux mecs, qui font de la vieille musique. Bah quoi ? La Cold Wave c'est quand même dépassé après tout; çà n'enlève rien à la qualité de ce qui a pu être fait, mais çà a tout de même plus de 20 ans. Et çà, çà ne nous rajeunit pas ma bonne dame !
En tous cas, T21 en concert, du moins ce soir, c'est bien. Les balances sont bien gérées, le son est bon, les lumières agréablement coordonnées, et le public ne fait pas de la merde. En tout et pour tout, le concert de T21 aura duré 2 heures environ. Qui dit mieux au sein de la scène alternative ?
TRISOMIE 21, c'est quand même 19 albums recensés et çà a commencé en 1983. Tout le monde connait certains de leur morceaux, comme « la fête triste » ou « the last song »; cependant, ce qui aura le plus ému les fans de la soirée, ce sont certains de leurs morceaux les plus récents, comme « This is the world » qui aura ouvert la soirée.
Beaucoup d'émotion en provenance de la salle, mais également beaucoup d'émotion venant des artistes. Philippe Lomprez est très chaleureux vis à vis du public, passe un bon moment avec lui. En fait, malgré tout ce qu'on a pu dire sur sa voix, et le fait qu'il chantait faux, et bien c'est du flan ! En écoutant et comparant « Shakespeare » et « il se noie », on ne peut que se rendre compte que le côté décalé était largement voulu sur certains morceaux, voire certains albums. On encense bien tout un tas de petits merdeux qui ne trouvent leur salut que par le playback ou PROTOOLS (ou le très récent Vocaloid). Et puis au moins Philippe il a une vraie voix de mec; avec l'âge, ils sonnent bien les vieux morceaux... En outre, ceux qui sont éculés ont été réarrangés pour l'occasion, histoire de les dépoussiérer un peu.
Un moment en compagnie des frères Lomprez est un très bon moment. Pour leur dernier concert, ils se seront fait plaisir tout en nous faisant plaisir (l'un ne va pas sans l'autre et vice et versa d'ailleurs).Vers la fin du set, on sent un brin d'émotion dans la voix de Philippe; elle est calme et posée, agréable à entendre et à écouter.
Non, franchement, un très bon concert de TRISOMIE 21. Loin des frasques des p'tits jeunes, loin de la frénésie des gros monstres. Un groupe agréable à écouter, une soirée peinarde et joviale.
Par contre, on ne peut pas en dite autant du lieu qui les reçoit. Le Glaz'art, déjà ce n’est pas très propre. Si vous allez aux toilettes, mieux vaut suivre les conseils de la Ligue des Gentlemen au pied de la lettre. Ensuite, les boissons sont extrêmement chères pour ce que c'est (le demi de bière à 4,50€ alors qu'au black dog j'ai une pinte pour 5,50€; faites le calcul). En outre, je tiens quand même à signaler que mon mojito je l'aime SUCRE et avec du TONIC et non de l'eau gazeuse.
Le Glaz'art, c'est une usine à fric : dans la même soirée, le concert d'Electro-Cold Wave auquel on a pu assister, mais aussi d’autres programmations, en bonne salle communale. Il valait mieux éviter de se tromper et de se retrouver à voir je ne sais quel navet avec des morveux et leurs parents dans la salle d'à côté.
Je passe vite fait sur le personnel qui n'était absolument pas content d'empocher l'argent des goth. Enfin que du bonheur quoi.
Mais je garde le meilleur pour la fin.
Commençons par la plus grosse fumisterie qui soit pour tous ceux qui étaient là ce soir, qu'ils aient acheté ou non leur billet en prévente. Sur le dit billet, ainsi que sur le flyer, il était marqué, je cite : « blabla des groupes + Soirée New Wave/ electro 80's to 00's mixed by People Theatre ». Donc, vous comprendrez mon désarroi lorsque le néo-surfeur de Paris (Brice de Nice au moins il est au bord de la mer. Même si celle-ci ne fait pas de vagues) m'annonce, après avoir eu confirmation auprès de son « supérieur » que, après le concert, il est prévu une soirée Dub. Je n'avais pas acheté mes billets en prévente, mais pour en avoir eu à transiter dans mes mains, sur ceux-là aussi, il était marqué « suivi d'une soirée électro ». Bon, on pourra chicaner en disant que le dub c'est un très lointain cousin de l'électro, mais pour moi, çà n'est reste pas moins que du reggae.
Donc à l'arrache, après s'être fait foutre dehors en ayant à peine le temps de fumer une tige bien méritée, nous avons de nouveau traversé la moitié de Paris pour aller consommer, moitié prix cette fois, de la bière au Black Dog.
Mais je vais quand même faire un aparté sympathique (peut-être le seul de la soirée) concernant le Glaz'art. En effet, cette « salle de concert » possède un charmant petit patio dans lequel on peut venir se reposer, fumer et admirer un petit carré de verdure arrosé au milieu de la ville. Et quand on sait que j'adore les bestioles, surtout à poils, j'ai été enchantée de voir un merveilleux rat de 30 cm de long sans la queue sortir de dessous le bar et courir se cacher à l'autre bout du petit carré arrosé. C'était, un instant unique, champêtre, tendre et que je n'oublierai pas de si tôt. Merci au glaz'art d'être l'ami des bêtes (par contre, ce n’est pas l'ami des goth).
Conclusion de la soirée : intéressante. Un doublon totalement atypique, rien à voir ni dans le style ni dans le lieu, et encore moins dans le public. Cependant, par deux fois un vrai besoin de faire passer quelque chose et de faire partager sa passion. Dommage qu'il y ait eu si peu de monde pour Shantidas et dommage que cela fusse leur ultime concert en ce qui concerne Trisomie 21. Mais en tous cas, j'ai été agréablement surprise par la qualité du concert de T21, ainsi que par leur disponibilité pendant et après leur show (les groupes de l'Electro night live ont également finis au black dog).
Donc, un grand merci à TRISOMIE 21 pour tout ce qu'ils nous auront apporté pendant si longtemps et pour cette si agréable soirée.
Cependant, le tableau ne saura être réellement positif. En effet, quand on voit ce qui est amené à prendre la suite, je regrette vraiment que la loco vive ses derniers instants. Mais également que les milieux alternatifs semblent se désagréger petit à petit faute de motivation certaine, par égoïsme, par fatigue ou par ennui.
Enfin bon. On dit que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, alors, autant en profiter avant que la faucheuse sociale ne nous rattrape. Faire deux concerts dans la même soirée aura quand même été amusant, et malgré tout on aura bien ri. Le paradoxe de la soirée a été fun et les incongruités auxquelles on aura assisté nous aurons donné une sacrée tranche de rire. Parce que l'on aura beau dire ce qu'on veut mais même les goth savent se marrer (quand ils ne parlent pas d'eux). A bon entendeur....
Et puis vive le rhum, les femmes et la bière. Non mais!
16 décembre, 2009
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une petit update concernant Shantidas qui sera visible pour une fois sur mon blog myspace
RépondreSupprimer(www.myspace.com/laranor)
Celle-ci rend assez bien de la perception de ce concert évanescent et vaporeux.