J’ai assisté ce soir à un petit concert bien de chez nous. Enfin bien de chez nous, l’artiste s’avère être Lyonnais. Donc oui, un brave petit frenchie mais pas vraiment un parigot (m’en fiche, je ne le suis pas moi-même).
On va finir par dire que je me répète mais, une fois de plus la soirée fut à l’initiative fort judicieuse de .CUT. Alors que j’avais initialement prévu de faire un week-end de débauche, il ne me manquait qu’un concert pour parfaire le tableau. TAT a parfaitement rempli sont rôle puisque, que pourrait-on trouver de plus décadent en fait que de la dark-folk néoclassique et philosophale, je vous le demande.
J’ai découvert ce soir là avec un plaisir non dissimulé quel serait finalement mon fief sur la capitale (quand je prendrai le temps de sortir le nez de mon bureau). J’entendais parler depuis même avant mon arrivée sur Paris de LA CANTADA comme d’un endroit qui valait le détour. Une partie de mon aréopage personnel y a déjà établi ses quartiers, mais je n’avais eu pour l’instant l’opportunité d’y mettre moi-même un pied. Et bien maintenant c’est chose faite.
A la différence des furieux, du KATABAR ou autre BLACK DOG, la CANTADA possède une population plus mature, tant dans sa clientèle que dans son service et son agencement. Alors que le KATA avait bénéficié dans le début des années 2000 d’une déco plutôt industrielle avec ses plaques de métal poli, ses gros boulons etc, la CANTADA s’affirme l’endroit de rencontre pour un public à la fois plus extrême et plus éclectique dans ses goûts. On ne retrouve pas d’approche steampunk d’empreinte métallo-gogoth crado ou vieillie puisque la décoration, achevée en 2003 quelque chose comme çà, a été réalisée par DENIS GRRR. D’apparence extérieure, le lieu ne paye absolument pas de mine puisque la démonstration des 7 péchés capitaux exprimés par l’artiste n’est visible que lorsque l’on est entré dans le troquet. L’ambiance y est tamisée et tout comme l’arrangement sonore, agréable et reposante. LA CANTADA II a fait sa petite réputation sur plusieurs aspects, tant à la fois de son service de bouche que de son service culturel. On peut y consommer de l’absinthe (de la vraie : New Orleans entre autre, pas cette saleté d’absenthe ou ces poisons espagnol ou tchèque), de la bonne bière ou des vins fins. On peut également manger sur place ; on tape alors dans le domaine de la cuisine médiévale, avec laquelle ou peut boire de l’Hypocras (j’ai une préférence pour le blanc). N’ayant pas eu le temps d’essayer leur restauration, je me suis promise d’y retourner juste pour tester leur plats et savoir comment ils les agrémentent. Je doute fort de revivre l’épiphanie que je vivais à chaque rencontre de l’association ARCHEOCULINAIRE de Lyon, mais du moment qu’ils ne prennent pas leur inspiration dans les papiers d’Olivier Smadja, cela peut s’avérer prometteur.
Pour les événements culturels, LA CANTADA dispose d’un sous-sol aménagé façon caveau. Celui-ci possède son propre bar, ce qui est particulièrement pratique pour les demoiselles en talon hauts et surtout lorsque l’on est rendu à sa troisième bouteille de vin épicé. L’acoustique a été bien gérée, de même que l ‘éclairage et l’aménagement de l’espace permet entre autre de rester au comptoir sans rater une miette de la performance visuelle et sonore. Les murs du caveau faisaient ce soir l’exposition de photos grand formats, dans un style assez froid et dépouillé. On a pu aisément reconnaître parmi les différents protagonistes couchés sur papier glacé Lukas Spyra, s’arrachant des lambeaux de latex liquide, façons transmutation humanoïde ou métamorphose insectoïde. Ensuite, de là à payer 360€ pour un homme à poil……
J’ai parlé précédemment du service de la CANTADA, en disant que celui-ci était plus mature. Je garde en effet un très bon souvenir du service de ces messieurs pour le moins agréables, professionnels et polis. Parce que la politesse et la déférence sont deux choses très importantes. De même, j’ai beaucoup aimé pouvoir assister à mon concert en surveillant mes petites affaires tranquillement entassées sur le couvercle d’un cercueil négligemment posé. L’image fait radicalement penser aux films kitchissimes de la HAMMER et l’esprit hésite alors entre Boris Karloff en momie et Chistopher Lee ou Bela Lugosi en Dracula.
Donc, la CANTADA c’est trèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèès bien.
Passons maintenant au concert.
TAT a pu démarrer sa carrière grâce à .CUT. Initialement, il apparaît sur la compilation DENT DE LYON produite par WALNUT & LOCUST et, de par l’artiste même, .CUT collaborait également au départ au projet.
.CUT m’a vendu le produit en me vantant les qualités humaines de l’artiste et en cela, il ne se trompe que rarement .CUT. En plus d’être quelqu’un de foncièrement adorable, Antoine fait de la bonne et intelligente musique. C’est quelque peu particulier, mais c’est sympathique. TAT nous propose un one man show ; Très classe, il s’accompagne uniquement de sa guitare et d’un vocodeur. J’avance en fait l’idée du vocodeur parce que, en dehors de son show, le brave petit gars a une voix plutôt mignonne, choupinette et chantante ; à la différence justement de pendant la performance puisque il y utilise plutôt une voix de gorge assez froide et neutre. Le rendu est intéressant et j’avouerais même troublant. Le timbre est feutré, chuintant et chuchoté. Cela a pour effet de vous pénétrer à vif, au plus profond du cœur et de l’esprit, avec l’insinuation de la putrescence qui arrive lentement après la mise en terre.
Lorsqu’on a un bagage classique, ce que fait TAT est assez fin. On peut rapprocher sa composition des premières pièces classiques espagnoles parce qu’il utilise justement une guitare classique mais l’on retrouve aussi toute la finesse de l’âge d’or du baroque à la Française avec cette sensibilité que l’on retrouve dans les compositions de Marin Marais ou Etienne Maulinié. Antoine manie cependant l’instrument en accordant une attention toute particulière au continuo à la différence du chant (chant de l’instrument hein, pas la voix) qu’il utilise plus comme un artifice que comme une fin en soi. Le continuo sert de support à ses vocables qu’il agrémente et allège, dans la profondeur de leur sens, par ses mélodies. Les morceaux sont agrémentés, afin de leur donner une teinte plus moderne et donc plus accessible, de samples divers : pièce d’orgue, pièces classiques, cloches, ambiances et même un peu d’indus bruitiste. La formation classique, qui pousse certains à se tourner justement vers l’expérimental ou l’industriel, est complètement embrassée et les références que l’on peut associer au travail de composition musicale de TAT sont nombreuses.
Normalement, la musique du monsieur est définie comme étant de la dark folk. J’ai un peu de mal à l’y classer en fait. Non parce que n’importe quel blaireau qui joue de la guitare classique ne fait pas forcément de la dark folk ; utiliser l’instrument comme caractéristique déterminante s’avérerait cruellement réducteur. J’aurais personnellement une préférence pour une définition entre le néo-classique et l’ambient, mais à discrétion de chacun de la cataloguer.
Le concert de ce soir s’avère être dans la continuité parfaite de l’album « le sperme de tous les métaux » et la suite de la performance va me donner raison. En guest, TAT a décidé d’inviter un joli petit rat musqué prénommé « Lynn SK ». La demoiselle ressemble à une héroïne d’Almodovar et son allure n’a rien à envier à ROSSY DE PALMA. Lorsqu’elle prend le micro, c’est un choc qui s’abat sur mes oreilles puisque en totale contradiction avec sa bouille. Le timbre est léger et enfantin, alors que la personne est des plus féminines et je vais même jusqu’à dire que la voix de Lynn SK aurait de quoi éveiller des tendances pédophiles dans beaucoup d’hommes (j’avais une copine comme çà au lycée. Sauf qu’elle avait des gros seins). Cependant, avec le recul et les écoutes successives des albums, la mignonne colle parfaitement au concept recherché par Antoine. Les voix féminines qu’il semble apprécier pour illustrer ses compositions possèdent cette fragilité qui enrichie à chaque fois le cœur de l’homme et ce timbre vacillant et léger, laissant derrière l’oreille l’image tantôt de la sylphide ou bien de la dame au camélia sur le point de rendre son dernier souffle. Au final, on s’habitue au chant léger de la performeuse (même si une bouteille supplémentaire a également fait passer la pilule). Alors attention cependant à mes propos. Pour ceux qui connaissent le personnage, il est de notoriété que je DETESTE profondément les voix féminines, que je suis radicale en ce domaine et que seule quelques chanteuses ou interprètes, dans le cadre de compositions très spécifique et très ciblée, peuvent trouver grâce à mes yeux (Lisa Gerrard a une voix terrible mais c’est une conne finie ; Diamanda Galas est cramée mais à la différence est d’une très grande générosité et Lorena McKennitt n’attire que des vieilles en robes de princesses….). Même dans le chant classique, il m’est difficile de trouver des pièces « féminines » qui me remuent ; Non pas que je déteste à ce point mes consœurs mais il s’avère que je suis totalement hermétique à l’appel de Sappho. Donc, mis à part détailler la viande, appétissante au demeurant, il sera réellement ardu de trouver un « youpi, c’est génial » d’écrit pour une femelle. D’autant plus que çà me trouerait le fondement de le faire. Donc, que Lynn SK se console de suite parce que de toutes façons, elle part de base avec un handicap ; la performance qu’elle nous a accordé ce soir en compagnie de TAT était plutôt intéressante et son timbre très particulier a soutenu a la perfection textes et compositions de l’artiste. Ensuite, çà reste une shagasse comme les autres, avec un rire de cheval (se référer à la review sur .CUT).
Bon ; musicalement moi j’accroche bien, mais ce qui est encore plus intéressant à creuser, ce sont les textes et, des dires même de l’artiste, le cheminement même effectué pour aboutir aux pièces musicales.
De prime abord, Antoine nous propose un champ sémantique vaste et en riche en références culturelles. Historiques ou même mythologiques, on y retrouve une fois de plus une écriture qui se rapproche de la création baroque et l’on pense indubitablement à l’ossuaire de Sedlec. Cependant, et je n’arrive toujours pas à décrocher de l’idée et du concept même de la période baroque, on retrouve, cette ambiguïté entre l’extase religieuse et l’érotisme dans ce que TAT écrit, avec de plus une composition maniérée et élaborée. Le rapport à la mort et à la futilité de l’existence fait songer à une mise en texte et musique des vanités et, c’est dans son approche de la vie même que la recherche et l’étude du grand œuvre prend tout son sens. Parce que c’est pour cela en fait que TAT est réellement intéressant. La composition et l’écriture sont issus des réflexions et des recherches de l’artiste, avec une conclusion qui fait plus penser à un travail mathématique (Xenakis) ou philosophique (positivisme). L’art est un moyen de s’élever (vers l’infini et au delà !) ou au contraire de chercher au plus profond de soi-même (macro-micro) et rien qu’en réfléchissant à cela l’œuvre du TAT ne peut qu’amener à un ensemble d’interrogations complexes. Tous comme les contes, ce qu’il propose peut s’étudier et s’interpréter sur des niveaux infinis (pour cela faut-il encore avoir le statut « d’être humain ») et c’est l’induction de cette réflexion qui tiens surtout du génie.
Bon. On peut aussi se contenter d’écouter et de trouver çà bon. Chacun cherche son chat, midi à sa porte, singe qui parle, porc vertical, meatbag, etc, etc…
En tous cas, la performance de TAT (et Lynn SK) aura été une excellente introduction pour un vrai long week-end de débauche. Un concept assez original j’aurais tendance à dire aux vues des musiques actuelles dégottables et un sujet d’étude et de réflexions profond à y regarder de plus prêt.
Je ferai une petit cheer pour la fin de la soirée en compagnie des deux jeunes gens qui nous ont proposé une reprise originale et pas piquée des hannetons de « High Hopes » des pink floyd. On y trouve un rendu fidèle de la menace pesante du morceau original et la voix de la belette suscitée est parfaitement mise en valeur. La reprise vaut d’autant plus son pesant de cacahuètes qu’elle a été convenue « on the fly » moins de deux jours auparavant dans un train.
La conclusion est donc positive puisque j’ai picolé comme un trou dans un cadre sympathique, avec de belles plantes comme décoration et j’ai assisté à une performance à la fois agréable et intéressante. Mais au final je dirai surtout que, loin des clichés habituels et des étiquetages traditionnels et convenus, TAT est un artiste qui sait manier les méandres de la pensée et pousser l’auditeur à l’interrogation ; C’est subtil, décadent et obscène. C’est pour cela que j’en apprécie le paradoxe. La charmante petite tête blonde qui pose des grands yeux ingénus sur le monde se révèle en fait un esprit tortueux, complexe et dangereux comme une lame de rasoir.
Et moi j’en veux d’autres des comme çà ! ! ! J’en veux plein ! ! !
30 mars, 2010
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